L’anecdote du jeune jongleur au feu rouge

jongleur

La scène se passe en fin d’après-midi alors que je file rejoindre ma femme pour aller faire nos courses à notre supermarché favori. Je roule paisiblement à bord de ma Ferrari jaune Hyundai grise quand le feu passe au rouge.

Ce que je vais vivre ne va pas changer ma vie (n’exagérons pas) mais va tout de même me faire réfléchir sur le marketing et la vente en général.

Et comme il est de bon ton quand on tient un blog, de faire part de nos impressions fumeuses et autres anecdotes en carton, je m’empresse donc de te retranscrire ce que j’ai vécu ce jour-là.

 

Le jeune jongleur et la notion de « relation client » :

Comme je disais, je m’arrête donc au feu, en tête de file vu que, comme d’habitude, ce dernier semblait m’attendre pour passer au rouge. (note : Un jour je chopperai le gars qui s’amuse depuis des années à faire passer le feu au rouge dès que j’arrive à son niveau…).

 

jongleur feu rougeJe jette un oeil à droite, un autre à gauche (ndlr : en prenant soin d’aller les ramasser ensuite) : pas de laveurs de vitres ni de gonzes qui me proposent un briquet et un bout de carton en échange de quelques piécettes (ndlr : jaunes de préférence, les cuivrés c’est nul) ou un petit ticket resto.

Personne, ou plutôt si : un garçon d’environ 16 ans avec des taches de rousseur sur le visage, les cheveux mi-longs complètement en vrac, les dents de devant manquantes et entièrement vêtu de guenilles.

Bref, une ressemblance étrange avec Tom Sawyer mais surtout le profil parfait du petit jeune qui semble galérer bien comme il faut dans la vie… Ou d’un étudiant en Fac de Lettres, c’est selon.

 

Le jeune me regarde avec le sourire, se fout au milieu de la route, juste devant les voitures (dont la mienne) qui attendent que le feu passe au vert. Là, il sort trois quilles de la poche arrière de son futal et commence son numéro avec entrain.

D’abord surpris par l’initiative (ndlr : c’est la première fois que je vois un jongleur à un feu rouge), je ne rate pas une miette du spectacle.

Le jeune est plutôt dégourdi : les quilles volent quasiment à la hauteur du feu tricolore qui surplombe la voie à près de 3 mètres de hauteur.

Comparé à moi qui arrive péniblement à « jongler » avec deux mandarines pour impressionner mon poulet au moment des fêtes de fin d’année, le jeune est clairement doué! En même temps, y m’en faut pas beaucoup c’est vrai.

 

M’enfin bon, doué certes, mais pas excellent non plus : ça fait déjà deux fois qu’il ramasse ses quilles par terre suite à une mauvaise appréciation de la trajectoire de ces dernières.

Quoiqu’il en soit, l’heure tourne, et le jeune le sait. Il regarde, entre deux jonglages, les trois couillons (ndlr : dont moi, toujours) qui attendent que le feu passe enfin au vert et sourit histoire de nous faire comprendre que la prestation touche à sa fin.

Je sais pas les autres mais moi, j’ai accroché, j’irais presque jusqu’à dire que le gars m’a touché avec sa simplicité, sa modestie palpable et aussi avec son allure générale qui me laissait deviner une vie qui n’avait pas l’air d’être toute rose tous les jours…

 

2 eurosJ’ouvre la fenêtre et lui tends une pièce de deux euros. Je dirai pas que c’est énorme, et cet article n’a pas vocation à me faire passer pour un généreux donateur plein de bonté ayant le coeur sur la main, mais comparé à ce que je donne en général (ndlr : quelques centimes ou même rien), c’est plutôt pas mal.

Quoiqu’il en soit, pour moi ça les vaut!

Là, le jeune me sourit et me fait signe des deux mains d’attendre encore quelques secondes : pas possible, j’ai droit à un supplément, un « petit extra » gracieusement offert par la maison alors que le gars sait déjà que je suis prêt à lui filer une pièce.

C’est le bouquet final : il envoie les trois quilles bien au-dessus du feu tricolore cette fois avec la ferme intention de les rattraper derrière son dos.

Bon, la figure est complètement foirée et le jeune manquent même de se prendre les quilles sur la tronche. Mais qu’importe, là n’est pas l’essentiel.

Quoiqu’il en soit, il semble s’en vouloir alors qu’il ramasse ses outils de travail d’un air dépité. Lorsqu’il relève la tête, je lui souris et lui tends (enfin) ce que j’ai à lui donner.

 

jongleur pièce« Merci beaucoup monsieur » me dit-il avec un léger défaut de langue. Puis il regagne le bord de la route. Le feu passe au vert. Je démarre et je ne reverrai plus jamais ce petit jeune durant les semaines et les mois qui suivront.

 

Si je t’ai raconté cette histoire aujourd’hui c’est parce que je la trouve riche d’enseignements à plus d’un titre, mais aussi tout simplement parce que ce jeune m’a marqué.

La preuve, près de cinq mois après les faits et en l’ayant vu seulement 40 secondes à tout casser, j’éprouve le besoin de t’en parler.

 

Ce garçon m’a en fait démontré sans le savoir, plusieurs trucs :

Se démarquer de ce qui se fait est primordial : c’était la première fois que je voyais un jongleur au feu rouge. Si tu me dis de te décrire les gens que je croise d’habitude à cet endroit (laveur de vitre, vendeurs de briquets, …) j’aurai bien du mal à le faire alors que je me souviens de lui presque parfaitement.

> Donner son maximum pour ses clients/spectateurs est essentiel : Même si, comme je le disais, tout n’était pas parfait, on voyait bien que le garçon faisait ce qu’il pouvait avec ses possibilités.

En donner plus (pour le même prix) est appréciable (et apprécié) : Le garçon savait que j’allais lui donner quelque chose, il m’a offert le clou du spectacle pour le même prix. Et même si ça a foiré, l’intention était louable.

Rester humble est primordial : Il savait aussi que son finish n’était pas top, comme son spectacle d’ailleurs. C’est pour ça qu’il s’est excusé à chaque fois qu’il ratait un truc.

 

Moi je dis que certains vendeurs, que ce soit dans le monde réel ou sur internet, devraient s’inspirer de ce petit jeune qui ne payait pas de mine mais qui, malgré le fait que sa prestation n’était pas parfaite, avait déjà tout compris à la vente et à la relation clients.

 

 


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12 commentaires pour “L’anecdote du jeune jongleur au feu rouge”

  1. J’ai une très bonne nouvelle pour toi : le nom de domaine anecdotesencarton.com est disponible ! 😉 Chouette témoignage, c’est ce que je nomme en interne « l’enchantement » dans ma petite structure pro : améliorer le service à la hauteur des opportunités qui se présentent. Il y aussi l’hébergeur Infomaniak qui fait ça très bien : on paye une fois et le service s’améliore au fil du temps : cela fini même par créer une forme de fidélisation aux « bonnes surprises » !

    • Sylvain dit :

      Anecdotesencarton.com : je vais y réfléchir 😉 😀
      Sinon, ouais la notion « d’enchantement » ça résume bien l’idée : donner toujours un peu plus que ce qu’attend le « client ».

      En totale opposition avec ceux qui te donnent l’impression de s’en foutre de toi du moment que t’as lâché les ronds.

  2. Cyn dit :

    Comme quoi, il faudrait que la France se réveille et arrête de n’avoir d’yeux que pour la liste de diplômes qui constitue nos CV !!!
    Ce p’tit jeune, comme tu en parles, a vraisemblablement compris ce que des trous du c*** ne pigent pas après un bac +5 … J’exagère (un peu).
    Désolée, c’est un petit énervement de ma part :-).

    Maintenant, l’habit ne fait pas le moine alors tirer des conclusions sans connaître les tenants et les aboutissants, hmmm, c’est quelque chose que j’évite au maximum de faire. Tout ça pour dire que malgré son look qui faisait certainement de la peine, peut-être que le mec est bien plus heureux que nous et avec bien moins ! Bon, là, c’est moi qui tire des conclusions hâtives. Bref, on n’en sait rien mais on sait au moins que le mec en a dans la froc et qu’il méritait grandement ta pièce 🙂 !

    J’aime ton billet mais surtout son contenu, enfin l’histoire quoi ! Je pense que moi aussi je lui aurait filé quelque chose.
    D’ailleurs, il t’a marqué, et c’est ça qui est beau !

    • Sylvain dit :

      Tout à fait, un peu de modestie, de simplicité et de désir de donner le maximum, ça vaut tous les diplômes surtout quand ils sont affichés par des couillons qui pensent tout savoir et te prennent de haut.
      Après c’est sûr que le jeune était peut-être heureux, il avait pas l’air triste d’ailleurs.

      Mais voilà, comme tu dis, il avait et dégageait ce petit truc, cette simplicité qui fait qu’on se rappelle de lui.

  3. Ha voilà ma petite détente de la journée…

    J’ai souvent remarqué que c’était une histoire de cœur, évidemment on ne sait jamais sur qui on tombe (tu t’es peut-être fait arnaquer finalement) mais tu t’es fait plaisir en ton âme et conscience…n’est-ce pas là finalement une piste pour vivre heureux !

    L’histoire c’est peut-être de croire en soit … suffisamment pour toucher les autres … c’est ce que jeune homme à fait, perso quand il faut donner je marche au feeling et j’aurais sans fait comme toi …

    Vraie ou pas c’est une belle histoire comme je les aime…
    une aussi joli histoire ci-dessous 😉

  4. tu as du mettre une restriction à comment luv; je me permet de mettre le lien en dur :http://www.366jourspour.co/limagination-du-papier-amour-tu-tiens/10957 tu effacera au besoin … c’est comme tu le sent
    Amicalement

    • Sylvain dit :

      Je pense pas avoir mis de restriction à CommentLuv, le plug est paramétré pour donner le choix sur les 10 derniers billets.
      Mais je laisse volontiers ton lien, pas de soucis 🙂

      Pour en revenir au billet, c’est vrai que quand on fait un geste, on fait plaisir à la personne mais on se fait aussi plaisir à nous.
      Peu importe s’il m’a entubé, c’est son problème. Mais perso, j’aurais bien aimé le recroiser pour lui filer de temps en temps une petite pièce.

      Merci d’être passé 😉

  5. En fait, Sylvain, ton problème c’est que tu es un tendre. Un sensible, un délicat, un sentimental en quelque sorte.

    Que le premier romanichel venu s’habille comme je le fais pour bricoler, qu’il te fasse penser à un vieux dessin animé que tu regardais le soir en sortant de l’école et hop ! te voila ferré (comme Léo, oui, je préfère la faire, comme ça on n’en parle plus et tu en te sentiras pas obligé de nous la pondre, celle-là).

    Il ne reste plus au gars qu’à se mettre un peu en danger (au milieu de la route, en face des bolides rugissant d’impatience au feu rouge) histoire de susciter cette empathie mâtinée d’excitation qui a fait la fortune des Éditions Harlequin, et c’est bon, tu as déjà la main dans la poche. Alors oui, le malheureux est en plus maladroit, ce qui ne peut que t’attendrir davantage, d’autant que tu soupçonnes qu’un état de dénutrition avancée est sans doute à l’origine de sa gaucherie.

    Et d’imaginer le film mélodramatique du pauvre petit orphelin moldave, jeté sur les routes par la guerre et la famine, luttant pour survivre sans jamais se départir de son pauvre sourire, sa seule richesse. Et de voir cet gamin qui pourrait être le tien tenter de gagner sa maigre pitance quotidienne en s’efforçant de reproduire tant bien que mal les quelques tours que son grand-père, vieil artiste de cirque, lui apprenait jadis, quand l’insouciance et le soleil de Soroca réchauffait son petit coeur d’enfant.

    Alors, tout naturellement, c’est presque avec gratitude que tu lui donnes ta pièce de 2 euros, heureux de pouvoir faire une bonne action et de l’aider, ce gamin des rues qui t’a marqué au point de graver son image à tout jamais dans ton esprit pétri d’humanisme. C’est beau ce que tu as fait, Sylvain…

    EPILOGUE
    – Hé ! Salut Mihai, tu deviens quoi ma couille ?!
    – Yo, Nicolae ! Boh, j’me démerde là, je fais un peu pleurnicher les petites vieilles en montrant mes chicots…
    – Mince, t’as toujours pas été voir ton oncle dentiste pour qu’il te répare les dents de devant ?
    – Si, mais il est toujours fâché. Tout ça parce que j’ai explosé sa Prius contre un poteau en sortant de boite. Il m’a dit que si je m’étais pété les dents, c’était bien fait pour ma gueule, et que c’est ce qui arrive quand on picole de la Smirnoff au goulot en conduisant.
    – Ahahaha, t’es con toi aussi ! Et sinon ?…
    – Bah sinon, rien, je t’offre un coup à boire ? J’ai gratté quelques euros à un feu rouge tout-à-l’heure en faisant le coup du jongleur maladroit.
    – Pas possible ! Ca marche encore ce vieux truc ? Avec les fringues de mendigot et tout ? Mais attends, je crois que mon grand-père le faisait déjà !
    – Ouais, le mien aussi. Avec un singe même. Faut croire que les gens changent moins vite que leurs bagnoles !
    – Ah pitain, Mihai, tu changeras jamais ! Allez viens, c’est moi qui rince, j’ai eu mon RSA.

    • … oui, je sais, c’est pas politiquement correct. Mais bon, moi non plus, donc, m’en fiche…

      • Sylvain dit :

        Rhhhhhaaa Excellent Bruno!!! 😀 😀

        Et si t’avais raison? Si ce petit jeune avait pris pour des pigeons tous les couillons d’automobilistes plantés à ce feu rouge? Possible.

        Et si t’avais raison aussi? Si j’étais finalement un « tendre » qui derrière sa carapace de déconneur en carton tentait tant bien que mal de cacher un grand sensible prêt à pleurer devant le moindre sitcom à l’eau de rose?

        😀 😀 😀

        Possible, mais pas forcément vrai. Faut pas déconner non plus oh 😀

        Quoiqu’il en soit, je sais que ton scénario est probable. Mais bon, sur le moment j’ai pensé le contraire.
        Et je continue de le faire d’ailleurs.

        Et puis bah, si au pire je me suis fait avoir, ça ne m’aura coûté que 2 euros. Et il aura qu’à se payer une Smirnoff à ma santé 🙂
        Tiens ça me donne soif ces histoires 😉

        Cordialisme humanitairement cordial,
        Sylvain

        • En fait, tu ne sais pas le pire… c’est que moi aussi je me serais surement fait avoir. Parce que moi aussi je suis un toumou dans mon p’tit coeur. Pffff ! On n’est rien que des fiottes, tiens !

          • Sylvain dit :

            Fait avoir, fait avoir… Pas sûr hein 🙂 😉
            Sinon, toi aussi un « toumou » dans ton cœur?!! Je n’ose y croire.

            Maintenant c’est certain : un symbôle mythique de la virilité testostéro-masculine vient de s’effondrer dans mon esprit 🙁
            😀 😀 😀

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